
De 1908 à 1943, Käthe Kollwitz commente dans son Journal la vie de son entourage, le progrès de ses travaux et les vicissitudes, lointaines ou infiniment proches, d'une Europe qui s'enfonce rapidement dans le cataclysme. Autant de lignes croisées, chez cette artiste à qui la guerre enleva un fils, et qui ne cessa jamais de croire aux vertus politiques de l'art.
Cette édition, premier livre publié en France consacréà cet artiste, est augmentée de la reproduction de 48 œuvres significatives de son parcours (dessins, estampes, sculptures).
En septembre 1908, Käthe Kollwitz commence son Journal. Dès les premières pages, le ton est donné : Käthe note la plainte d'une patiente de Karl, son époux, dont le mari chômeur se trouve réduit à jouer de l'orgue de Barbarie – le symbole même de la misère. L'année suivante, la revue satirique Simplicissimus lui passe commande de six dessins : chacun d'eux aura pour sujet la pauvreté et la détresse sociale. Ces thèmes détermineront toute son œuvre. Et ce Journal est bien à l'image de son œuvre plastique.
En 1914, la mort de son fils Peter devient le centre de gravité de son œuvre : « Cette nuit j'ai eu l'idée d'un monument pour Peter. » Pendant plus de dix-sept ans ans, cette « idée » sera la ligne directrice de son travail, longue et active méditation qui trouve son aboutissement dans Les Parents, deux statues qui seront placées, sous son regard, dans le cimetière allemand de Roggevelde, en Belgique flamande, fin juillet 1932. Cet hommage à son fils disparu s'accompagne d'une réflexion sur l'absurdité de la guerre qui lui vaut, de son vivant, d'être classée comme « pacifiste ». Avec l'arrivée des nazis au pouvoir en 1933, elle perd son poste d'enseignante, son atelier, et le droit d'exposer.
Ce Journal est non seulement le portrait d'une artiste, un recueil de réflexions sur sa création, un témoignage formidable de ce que peut être en art l'engagement, mais aussi un tableau terrible et dramatique de l'histoire de l'Allemagne du début de la première à la fin de la seconde guerre mondiale.