
Cosa conte l'histoire d'une déliaison, la fin d'une possession.
Se délier, se désaliéner, se libérer d'une petite mort, d'un deuil, d'une passion néfaste et douloureuse portant, dans la nuit, les masques de l'amour et ceux de la folie. Une lutte, un combat, dans un pays de neige et de froid, pays coupant, glacé, glaçant. Spectre rêve fantôme blessure angoisses en fusion, parole noire poésie blanche, récit anamnèse chant d'amour et de mort, thrène rugueux, rêche canso de rocailles – gerçure, blessure, brûlure.
Lecture d'EMMANUELLE GUATTARI :
Au bord du Trou de Bozouls, faille béante du Causse, l'esprit plonge à l'envers, dans le temps arrière. Jusqu'au fond, fond des temps géologiques que les mouvements telluriques ont entassé, visible mais mort, figé. Rangé dans l'âme souterraine de la terre, en couches stables. Pourtant la plongée est telle que l'air semble en mouvement dans ce trou.
Ce chavirement, cet étourdissement de l'être, surgit à la lecture de cosa, amour perdu. Avec le serpent croisé sur le chemin, on se faufile entre deux pierres, on entre dans le temps disparu qui se dresse sur les parois, ou les pentes.
En empruntant ce passage, François Bordes ranime la pierre, la mousse repousse, revient sur les murs, sur les arbres s'agitent les sequins jaunes de l'automne ; la vie tremble qu'il avait fuie, ce chancellement dans l'amour irradié, dans l'amour qui a fini.
Au bord de la chute, sur le rebord où l'on se tient dans la convalescence du souvenir, ressurgit un moment la douloureuse intensité, la tentation de la morsure, cette fulguration.
Le cœur en écharpe, comme après une fracture, le cœur pansé, le poète revient au volcan : où es-tu amour malade et adoré ?
Qu'est-il est venu vérifier ? Il se penche pour voir et la pierre s'anime de mica : dans cette couche éteinte du passé qu'il cherche il voit l'amour qui s'embrase – cosa pleurée ! – soudain des braises du cœur flambé.
Une vieille fièvre au corps fatigué se ranime et nous dévalons les pentes. Dans le gouffre du premier amour le corps sanglé du raisonnable chavire. Imprudent chaviré ! Téméraire guéri qui montre ses cicatrices !
Le temps a creusé le Trou de Bozouls. On s'y penche sur les caves du monde : fondations à ciel ouvert des forces tectoniques qui ont malaxé notre terre et formé le plat que nous foulons. Anamnèse venteuse et perpétuelle, inquiétant vertige au dessus du gouffre où souffle l'esprit.
Le temps a creusé jusqu'à la cave du Jadis : de cosa, au sol, il reste seulement le dessin des fondations de l'immeuble que le poète veut revoir et qui a été rasé ; le premier amour est fiché dans la chair comme le fer rouillé dans la pierre : fissurant, qui nous fend dès le gel, fêlure de l'être.