
Sélection, réalisée en collaboration avec l'artiste, d'écrits et d'entretiens s'échelonnant de 1961 à aujourd'hui – d'une ampleur, donc, parfaitement inédite. Une chance pour le spectateur, non pas sans doute de connaître le fin mot d'une peinture résolument exigeante et coriace, mais de savoir sur quel pied l'aborder pour lui offrir une résonnance maximale.
En effet, Baselitz semble être resté fidèle à son principe, adopté très tôt – en même temps que sa fameuse méthode consistant à peindre ses motifs à l'envers afin de les vider de leur contenu –, de ne proposer dans ses tableaux autarciques que de purs et inouïs problèmes de peinture.
Préface de Frédérique Goerig-Hergott. Traduction de Régis Quatresous.
Un tableau est autonome et n'a pas besoin qu'on le regarde accrochéà un mur, déclare-t-il haut et fort en 1979. Et si, à partir des années 2000, il confesse de plus en plus aisément l'origine autobiographique et le caractère intime de sa peinture, ce n'est assurément pas pour mettre un terme à cette recherche opiniâtre du nouveau, à cette lutte aux forts accents avant-gardistes avec l'histoire occidentale de la peinture.
Le présent recueil de textes est le reflet de cette recherche. Les manifestes, les discours, les notes d'intention et les analyses consacrées à d'autres peintres, qui déboussolent souvent par leur sécheresse et leur ironie, du fait du refus de l'artiste de se prêter à une quelconque dissolution de la spécificité de la peinture dans l'anecdote biographique ou politique, y alternent avec des entretiens limpides et approfondis dans lesquels Baselitz évoque longuement sa pratique et sa technique. En termes évocateurs, l'artiste retrace également son parcours : celui d'un enfant de la seconde guerre mondiale ayant grandi à l'Est et rapidement contraint, pour exercer son art en toute liberté, de passer à l'Ouest, où il fut d'abord la victime et plus tard le bénéficiaire de succès mêlés de scandale, à une époque où la peinture passait pour morte. Mais aucun de ces propos, parfois on ne peut plus personnels, ne sont jamais confondus avec des clefs d'interprétation. Entre d'une part la « description » entreprise par Baselitz de son matériau de peintre, des couleurs et des formes dans leur présence et leur effet, et l'« interprétation » d'autre part, on ne peut faire aucune différence, note ainsi Dieter Koepplin, l'un des intervieweurs.
De la lecture de ce volume enrichi de plusieurs cahiers iconographiques, le lecteur retire une compréhension profonde de ce qu'a pu être la peinture allemande d'après-guerre, celle aussi de Markus Lüpertz, A.R. Penck, Jörg Immendorff. Mais il apprend surtout, en termes clairs et nets, ce qu'il est en droit ou non d'attendre de la peinture de Baselitz. À savoir : beaucoup, mais jamais la facilité.