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Ajours — Un rêve autobiographique

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Exhumant une boîte de photographies datées de son enfance, Gérard Titus-Carmel se retrouve face à celui qu'incontestablement il fut mais qu'il estime avoir sans retour cessé d'être. Comment justifier cette immixtion de l'altérité dans le rapport à soi-même ? Comment accorder la netteté du souvenir, que ces images renforcent, avec la conviction qu'elles sont celles d'un autre ? Par quel procédé rendre compte de cette impression apparemment paradoxale : il a fallu arriver où l'on se tient pour pouvoir se reconnaître là d'où on est parti ; revendiquer ici la « solitude » comme sa condition essentielle pour pouvoir, là-bas, en identifier les ferments ?
La réponse de l'artiste à ce problème tient dans les pages de ce qu'il nomme « rêve autobiographique ». Ni autobiographie, ni mémoires, Ajours se veut une entreprise mémorielle où la vérité serait non celle du souvenir (rétrospectif par définition, donc instable, trompeur, complaisant), mais celle de l'écriture elle-même, dotée d'exigences propres.

Le titre renvoie autant à un motif biographique central qu'à un principe de composition : l'ajour, c'est la « beauté» aperçue au loin dès l'enfance, poursuivie coûte que coûte en laissant derrière soi des origines décrites comme ternes, ingrates et misérables ; mais c'est aussi la part ménagée à l'oubli, dans un récit qui ne s'intéresse pas à une exactitude biographique relevant du pur fantasme, ni d'ailleurs à une stricte linéarité narrative.
Pour couper court à toute prétention à l'exhaustivité, Gérard Titus-Carmel borne ce « récit d'initiation » de part et d'autre, sans toutefois s'interdire des débordements. Ajours se concentre ainsi sur les années comprises entre le décès de son père, en 1948, et celui de sa femme, dix-neuf ans plus tard. Mais c'est en 1970 que la narration s'arrête, lors d'un voyage au Japon qui marquera une rupture en termes affectifs et artistiques. Entre-temps, le lecteur aura assistéà ce qu'il convient sans doute d'appeler les « années de formation » de Gérard Titus-Carmel – rendu, pour finir, «à ce point de “véritable solitude” qui est le [sien] », et devenu lui-même : l'artiste qu'on connaît.


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