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Joseph Kaspar Sattler, venu de Munich en 1891 enseigner à l'École des Arts décoratifs de Strasbourg, dessine Une Danse macabre moderne qui s'inscrit dans une série d'œuvres graphiques majeures que l'artiste réalise en Alsace entre 1892 et 1894.
Tout à la fois fantastiques et violentes, noires, satiriques et burlesques, ces planches seront exposées, reproduites et commentées à Paris, Berlin et Londres. Elles seront vues et admirées par Alfred Jarry, Henri Graf Kessler et Edvard Munch, au moment où Sattler participe aux débuts de la prestigieuse revue Pan, dont il dessine l'affiche.
L'approche proposée ici est en deux temps : un commentaire littéraire (série de 16 textes qui constituent autant d'illustrations des dessins de Sattler) sur les 16 dessins de la Danse macabre moderne (ces magnifiques planches, dont la finesse et le tirage en héliogravure pourraient laisser croire qu'il s'agit là d'un travail de graveur, sont rééditées pour la première fois) suivi d'une étude qui s'attache au parcours créatif de Joseph Kaspar Sattler, pris par les vicissitudes de l'Histoire.
D'une main un précurseur du Jugendstil, connu et reconnu pour ses magistrales illustrations des légendes germaniques, de l'autre un artiste noir et sarcastique, Joseph Kaspar Sattler, bavarois, salué par Alfred Jarry dès 1894, tourmenté par Ibsen, interrogé par Edvard Munch, adopté par Tomi Ungerer, se révèle provocateur et drôle, novateur et attachant, attiré par le grotesque, pris au ventre par les soubresauts de l'histoire des hommes.
Pour qui aime les situations simples, le cas Sattler, né en 1867, dessinateur, illustrateur de livres, créateur d'ex-libris et de menus, graveur à la fin de sa vie, pourra venir ébranler quelques idées reçues . Une fois sa formation initiale achevée à Munich, il s'installe à Strasbourg en 1891, part à Berlin en 1895, entretient des liens féconds des deux côtés des Vosges, revient en Alsace en 1904, participe au premier conflit mondial sur le front de l'ouest, pour retrouver Munich en 1918, et y mourir en 1931. Destin pris par les mouvements du temps, Sattler, un allemand en Alsace, vit l'aventure européenne telle que nous pouvons la rêver dans cette fin de siècle, loin des clivages nationalistes, avant que ne s'embrasent les relations entre la France et l'Allemagne, jusqu'à l'état de guerre.
À la fois contributeur des Elsässer Bilderbogenà Strasbourg, de Panà Berlin, des Fliegende Blätterà Munich, et, à Paris, du Mercure de France, de La Plume et de La Revue blanche, Joseph Kaspar Sattler donnera à notre sens la part la plus puissante de son œuvre au cours d'une période de quatre années (1891-1894) qui le verra vivre et travailler dans cette Alsace devenue allemande depuis vingt ans , produisant notamment Ein moderner Todtentanz (Une Danse macabre moderne), qui paraît d'abord en 1894, puis, augmentée, en 1912, œuvre emblématique, connotée, codifiée, placée sous le signe de la modernité, inscrite dans une tradition de six siècles qui se perpétue et se renouvelle, l'illustration d'un texte qui n'existe pas, mais parfaitement lisible par l'homme occidental, la mémoire hantée par la vieille angoisse d'être mortel, du simple fait de sa condition. Sattler ici assimile l'os, le mature – et régurgite. La danse macabre devient notre danse.