
« Tout est paysage, affirmait Dubuffet, en ce sens que tout est composition, tout est quête d'une unité perdue, tout est signes assemblés, tout est matière àêtre embrassé du regard, à interroger le vivant au-delà de soi-même. Que vaudrait sans ça le monde si on le laissait entre les seules mains de la dévastation, si l'essence poétique qui nous y attache envers et contre tout ne l'ouvrait pas à des entendements insoupçonnés qui nous font voir dans la noirceur d'autres nuances que pure noirceur ? »
Champs de bataille labourés par les obus pendant la première guerre mondiale ; régions soufflées et rayées de la carte par la bombe atomique ; villes sinistrées hier par les catastrophes nucléaires et, aujourd'hui, par les changements climatiques… Notre regard a engrangé assez d'images de destruction pour que s'impose à l'art l'angoisse de l'après-paysage.
Recueil de textes épars unis dès le départ par cette question unique, Tout est paysage examine l'une après l'autre, partant des Nymphéas de Monet, les œuvres de Twombly, Klee, Tàpies, Mušič, Mondrian et Morandi, comme autant de réponses possibles : de quelle façon la peinture de paysage et la trop bien-nommée nature-morte se sont-elles réinventées au fil du XXe siècle, face au spectacle inouï de la destruction de leur motif ?
PRÉSENTATION :
Recueil de textes épars unis dès le départ par une même question et réunis ici dans une version remaniée, Tout est paysage examine l'une après l'autre les œuvres de Monet, Twombly, Klee, Tàpies, Mušič, Mondrian et Morandi, comme autant de réponses possibles : comment, à quel prix, et avec quel profit la peinture de paysage s'est-elle réinventée au fil du XXe siècle, face au spectacle inouï de la destruction de son motif ?
Champs de bataille labourés par les obus pendant la première guerre mondiale ; régions soufflées et rayées de la carte par la bombe atomique ; villes sinistrées hier par les catastrophes nucléaires et demain, aujourd'hui, par les changements climatiques… De fait, nous avons engrangé assez d'images de destruction pour que s'impose à l'art l'angoisse de l'après-paysage : « Le bucolique avait laissé la place à un autre sentiment pour lequel il manquait un adjectif : il y avait dans ce que l'on voyait cette autre chose que l'on savait – qui menaçait sa pérennité (sa joie). »
Ce n'est donc pas par hasard que la déambulation ou plutôt l'enfoncement de l'auteur dans ces paysages nouveaux débute au Musée de l'Orangerie, face aux Nymphéas de Monet. Car dans cette œuvre apparemment paisible, entamée pendant la première guerre mondiale et dont il fit don à la France au lendemain de l'armistice, l'artiste a poussé la peinture d'observation à la frontière de l'abstraction, effleurant ainsi l'au-delà du paysage, et ouvrant un champ qu'arpenteraient d'autres peintres majeurs du siècle.
Partant du mot de Dubuffet –« Tout est paysage […], en ce sens que tout est composition, tout est quête d'une unité perdue, tout est signes assemblés, tout est matière àêtre embrassé du regard, à interroger le vivant au-delà de soi-même »– Stéphane Lambert, avec cette approche poétique et personnelle de l'art qui fait sa singularité, tire un fil au travers du chaos d'un siècle, et montre comment la création trouve le moyen de composer avec ses propres décombres et de déborder ses propres limites pour « retenir dans le champ du vivant ce qui est vouéà disparaître ».