
Composé de cinq ensembles alternant aphorismes, proses et formes versifiées, ce recueil de Cédric Demangeot est la démonstration par force de la vitalité que peut garder la poésie lorsqu'elle poursuit expressément un dessein négatif. Car la dépossession est ici à la fois le domaine propre, le seul objet possible, le principe moteur et le pis-aller d'une écriture qui s'apparente à une purge en vue de rallier la « vie », le « monde », la « terre », au risque de l'impossible : « Ce que je gagne à perdre ? On le détruirait en le nommant. » Poésie qui se nie et se resserre sur elle-même parce qu'elle refuse de parler « la bouche pleine de mort », qui cherche avec férocité une réduction du discours, une parole « anhistorique », et qui tend donc à la raréfaction, voire au silence.
Mais quel est ce « poudroiement », quelles sont ces « conclusions », ou, en d'autres termes : que reste-t-il àécrire, et donc à lire, dans l'étranglement d'une telle spirale ? Dans les aphorismes qui constituent l'essentiel du recueil, la langue de Cédric Demangeot s'assèche pour cerner, avec une puissance d'expression s'élevant parfois à l'énigme, tout ce que son engagement poétique total (lui-même interrogé comme une double vocation de volonté et d'impuissance) conduit à attaquer et à défendre. Si l'on voit ainsi émerger un autoportrait en creux du poète, les observations dégagées sont surtout de nature morale, politique, historique, philosophique et, bien sûr, langagière et littéraire. À cet égard, la première partie du livre, « Lire dans le noir », cartographie une constellation d'auteurs qui permettra au lecteur de s'orienter et de comprendre quelle direction poursuit l'équipée de Cédric Demangeot.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre.